Par Etat du Cameroun médusé, il faut entendre une attitude de stupéfaction face à la question foncière que certains observateurs qualifient d’attitude complice. Cette pensée a son origine dans le processus historique de construction du Cameroun en tant qu’Etat. La colonisation comme étape décisive dans cette architecture, lui a donné un caractère féodal devenu une relique dont il n’arrive pas encore à s’émanciper, plus d’un demi-siècle après les indépendances. La confiscation des moyens de production comme instrument fondamental du régime féodal, s’est construit dans le Cameroun post colonial d’une façon particulière, dont l’écho se fait encore entendre aujourd’hui. Les populations du département du Fako, région du Sud-Ouest, sont descendues dans les rues de la ville de Limbé au mois d’avril 2024, pour manifester contre la vente illicite de leurs terres sous le regard complice des autorités traditionnelles. Venus des villages Bimbia, Mabita, Livanda, Bonadikombe, ces hommes et femmes qui interpellent le président de la république pour une éventuelle intervention, ont envahi le siège de la préfecture du département du Fako, criant leur amertume : « Nous sommes descendus dans les rues aujourd’hui parce que nous sommes en colère. Nous sommes victimes d’abus. Des personnes que nous ne connaissons pas veulent nous prendre nos terres sur lesquelles nous sommes installés depuis plus de 50ans. ». Depuis justement 50 ans, avec le concours de la loi fixant le régime foncier au Cameroun, les peuples camerounais propriétaires des terres ont été lésés dans leurs droits, par l’introduction du régime des terres immatriculées, des freehold lands, des terres acquises sous le régime de la transcription, des concessions domaniales définitives, des terres consignées au Greenbanch. Cette loi qui a agi rétroactivement, n’a pas donné le temps et les moyens aux propriétaires de terres, de s’arrimer aux dispositions légales qui s’imposaient à eux. Résultat, l’exigence du titre foncier objet d’immatriculation des terres, a induit dans la pratique, un mercantilisme mafieux des terres conduisant à la dépossession et à l’appauvrissement des propriétaires des terres. Les événements de Limbé, illustre bien ce contexte voulu de confiscation d’un des moyens de production des plus absolus.
Tobie Atangana